Face à la crise du logement en Suisse, des pistes se dessinent
Un projet résidentiel qui respecte l’environnement
Le Forum Immobilier 2025, ce jeudi 5 juin 2025 à Lausanne. — © CYRIL ZINGARO / KEYSTONE
Article paru le 05 juin 2025 dans Le Temps – Alexandre Beuchat
La Suisse fait face à une crise du logement sans précédent. Le taux de vacance devrait prochainement passer sous la barre de 1%. Dans certaines régions du pays, dont l’Arc lémanique, jamais se loger ne s’est révélé aussi ardu. Si le constat est largement partagé, aucune solution pour endiguer la crise ne semble faire l’unanimité, ressort-il du 4e Forum immobilier, organisé jeudi par Le Temps, et qui s’est tenu dans le cadre exceptionnel de la Cinémathèque suisse à Lausanne.
«Le but était de lutter contre le surdimensionnement des terrains à bâtir. Il fallait préserver le paysage. Mais la densification des zones urbaines n’a pas été suivie par des mesures d’accompagnement», déplore Olivier Feller, secrétaire général de la Fédération romande immobilière (FRI).
Des procédures trop longues
Au-delà des recours ou des lenteurs administratives, certains projets dans le canton de Vaud ont été refusés dans les urnes, à Blonay, Montreux ou au Mont-sur-Lausanne, alors que ceux-ci avaient franchi toutes les étapes. Plutôt que de restreindre les droits de recours, Olivier Feller plaide pour l’accélération des procédures.
En dix ans, la durée qui s’écoule dans le canton de Vaud entre une demande d’obtention de permis de construire et la mise à disposition des logements est passée de vingt et un à trent-deux mois. «Revenir à la situation d’il y a 10 ans serait déjà un petit pas», estime le conseiller national PLR.
Aux yeux de la conseillère nationale verte Sophie Michaud Gigon, «il n’y a pas d’opposition entre densification et environnement. Tout dépend de la qualité des constructions». La secrétaire générale de la Fédération romande des consommateurs (FRC) observe une dichotomie entre propriétaires et promoteurs, car la majorité des blocages vient des riverains. La difficulté est de trouver un juste équilibre.
Sentiment de saturation
Boris Clivaz, directeur général de Gefiswiss, est directement confronté à cette problématique. Son entreprise est à l’origine du projet du Mont-sur-Lausanne, qui prévoyait la construction de 14 immeubles d’habitation. Celui-ci a finalement été refusé dans les urnes en septembre dernier après le dépôt d’une initiative populaire communale. Des montants importants sont en jeu. «Nous avons payé 15 millions pour ses terrains, que nous voulons récupérer», a-t-il affirmé.
Pour les promoteurs, l’enjeu est de maintenir la stabilité des plans et de garantir une certaine sécurité juridique. Conscient du problème, le canton de Vaud pourrait modifier sa législation en s’inspirant du Valais, où lorsqu’un plan a été approuvé et a passé toutes les étapes, il ne peut plus être modifié pendant une durée de cinq ans. Le Conseil d’Etat vaudois devrait mettre un projet en consultation d’ici à la fin de l’année.
«Aujourd’hui, la situation est invivable, souligne Boris Clivaz. Des opposants sont allés jusqu’au Tribunal fédéral. Après avoir perdu, ils reviennent à la charge pour des motifs de bruits. Nous envisageons de déposer une plainte pénale pour contrainte. Nous aussi nous pouvons être créatifs.»
Mieux repartir les espaces
Sociologue-urbaniste, Marie-Paule Thomas a présenté à quoi vont ressembler les logements du futur. Entre l’habitat intergénérationnel, la colocation ou le coliving, l’habitat en 2050 sera flexible, individualisé et hyperconnecté. La tendance est à la diversification des modes de vie et à une individualisation croissante. Le vieillissement de la société est un enjeu majeur, puisqu’un ménage sur trois sera senior.
Au-delà des nouvelles constructions, l’enjeu est aussi de mieux répartir les espaces existants. En moyenne, un ménage consomme 75 mètres carrés par personne, si on réduisait à 35 mètres carrés, nous n’aurions plus besoin de construire en Suisse, selon une étude de l’EPFL. «Il y a beaucoup à faire dans ce domaine, par exemple des bourses d’échange. Les Suisses sont-ils prêts à réduire par deux leur surface de vie? Je pense que c’est possible.»
Des loyers hors de portée
Il y a une décorrélation complète entre ce qui se construit et ce dont la population a besoin, mais les ménages s’adaptent, relève Marie-Paule Thomas. L’experte, qui travaille pour la société CBRE, pointe du doigt l’écart qui se creuse entre les prix du marché et les revenus des ménages. «La question du loyer est fondamentale. Un 2 pièces à 1700 francs qui voit le jour à Lausanne n’est ni adapté à un jeune, ni à un senior. Ce sont des couples qui vont l’occuper. Les grands logements sont utilisés en colocation et les familles restent dans des 3 pièces plutôt que dans des 4 pièces.