Les retraites serviront-elles à payer la transition énergétique?

Financer la création d’infrastructures durables et locales par les caisses de pension: la volonté du Conseil fédéral fait lentement son chemin.

28 Nov, 2022

La production d’énergie durable par les communes elles-mêmes pourrait générer des rendements pour les retraites suisses.

La démarche avait été lancée en 2013 au parlement fédéral, avec le dépôt par les Verts d’un texte visant à «Faciliter les investissements des caisses de pension suisses dans les infrastructures énergétiques suisses». Ce n’est qu’en 2021 que le Conseil fédéral a adopté la création de cette nouvelle catégorie de placements. Entre-temps, le montant total des retraites suisse a dépassé le billion de francs, soit mille milliards. De quoi largement financer la production durable d’énergie en Suisse. Mais la tendance n’en est encore qu’à ses débuts.

On présentait dans nos pages (le 4 avril dernier) la création d’Innergia, basée à Payerne. L’entreprise avait réussi à convaincre la commune de Rossinière d’atteindre la neutralité carbone sans faire exploser sa dette. Comment? Le montage passe par la création d’une société anonyme cautionnée par la Commune. C’est au travers de cette société que Rossinière investit dans le développement de son chauffage à distance alimenté par les forêts communales. Le financement, lui, provient d’un emprunt obligataire au travers de la banque Vontobel, auquel ont souscrit des investisseurs institutionnels.

Six nouvelles communes

Innergia a, depuis, obtenu un soutien financier important avec l’entrée dans son capital du philanthrope André Hoffmann, vice-président de Roche. Au téléphone, le fondateur d’Innergia confirme une information glissée à nos confrères de l’«Agefi»: six nouvelles communes sont en train de suivre l’exemple de Rossinière. «Nous annoncerons leurs noms lorsque toutes auront signé», indique Frédéric James Gentizon.

Six communes, mais c’est à peu près tout. Pourtant, d’autres devraient rejoindre cette marche vers la décarbonation. Basée à Lausanne, Gefiswiss crée des outils d’investissements. Il a ainsi créé un fonds pour permettre à des caisses de pension d’investir en Suisse dans la création d’infrastructures durables. Mais l’accueil n’est pas toujours enthousiaste.

«L’avantage pour les communes est qu’elles n’ont qu’un seul interlocuteur, présente l’un des associés de Gefiswiss, César Pidoux. On les accompagne dans les démarches de type juridique ou d’inventaire afin de développer leur projet énergétique jusqu’au financement que nous maîtrisons grâce au fonds d’investissement que nous gérons.» Il indique être en discussions avec plusieurs communes pour la création d’infrastructures thermiques ou photovoltaïques.

À l’étranger plutôt qu’en Suisse

Mais si des caisses de retraite sont entrées dans ce fonds, d’autres préfèrent investir à l’étranger. Un fonds suisse, même de quelques dizaines de millions de francs, ne semble pas assez important. En 2020, les Retraites Populaires et la Vaudoise Assurance ont ainsi investi dans un fonds réunissant plusieurs acteurs institutionnels autour de la transition énergétique. Selon le communiqué, il s’agissait d’investir «en Europe et aux États-Unis».

Alors, que dire des financements en Suisse? Aucune réponse officielle ne nous a été donnée. Mais, selon quelques indiscrétions, les fronts commencent à bouger et les retraites des travailleurs suisses devraient progressivement trouver des rendements dans la transition énergétique en Suisse.